C’était un beau roman, c’était une belle journée il y a quelques temps.
Je prenais l’avion, revenant d’un de ces nombreux périples médicaux où la frontière entre la baffe dans la gueule version Teddy Riner et le sentiment de plénitude était aussi tenue que les restes déchiquetés de l’hymen de Nabila.
Peu après le décollage, j’avais attendu sagement que le petit voyant s’éteigne pour me précipiter aux chiottes et essayant de me battre avec toutes les mamans phacochères qui voulaient apprendre à bébé phacochère à souiller le plus exhaustivement le point d’eau, cuvette et murs compris.
Bon, là, sur la photo, c’est moi. Enfin la version David Hasselhoff de moi même. Comme je vous l’ai déjà dit, rien de mieux qu’une vedette « américaine » seulement célèbre en Allemagne et 20 ans de p’tis déj’ teutons tendance Franckfurt Wurst pour vous faire apprécier une Pénurie.
Je remontais la cabine vers mon siège et j’essayais tant bien que mal d’éviter tout contact physique avec une future ministre de la Santé qui n’avait pas encore suivi l’exemple du Pape François de Hollande et son régime à base de cuir bouilli.
J’arrivais vers mon fauteuil.
Était-ce l’abus de Soleil, le Jet-Lag (mot savant pour dire Tête-dans-le-fion) ou le Tofu mariné au jus de Sans-Goût du petit déjeuner, mais je n’avais pas remarqué la jeune femme assise à mes côtés.
« Cette place est libre, Mademoiselle ? Ah ben oui, je suis con, c’est la mienne ! HaHaHaHaHaHaHaHaHa !!! »
On peut dire que le courant était passé sans problème.
Mon humour était absolument contagieux.
Je lui proposais un jeu de société que j’avais apporté pour le voyage.
L’ambiance dans le cockpit était à l’euphorie. Tout le monde avait plus ou moins la banane.
(Plus ou moins)
Bon, y avait bien Jean Pierre, qui avait bien un peu fait le Fou-Fou avant le décollage et qui avait dû faire un Braquage-tout-le-monde-les-mains-en-l’air sur le stock de Get27 du bar de la salle d’embarquement, l’embarque, quoi !
Mais bon, là, il était tout calme, Jean Pierre. Le seul problème : qu’il pense à ne pas se vomir dans la bouche, mais bon, on lui a bien dit avant de lui faire la piqûre dans les fesses.
Je me levais pour farfouiller un truc dans mon sac.
Quand une voix connue se fit entendre : « Alors les tourtereaux !! On prend du bon temps ? Ah les remplaçants, quand même, quels branleurs ! C’est la belle vie, hein ? »
C’était Docteur Crinière d’Argent, un de mes remplacés qui était assis non loin de nous.
Oui, enfin, Attendez, je vais vous le rendre quand même plus ressemblant.
Voiiiiiiiiilllllààà…
Je remplaçais Dr Crinière d’Argent depuis de nombreuses années. Malgré sa belle chevelure (d’argent, c’est important, l’argent), il était proche de la retraite. L’entente pendant les remplacements était formidable. Toujours satisfait de moi (en même temps, je lui donnais toutes les meilleures dates, je lui faisais toutes les gardes qu’il me proposait, je ne vois pas comment il ne pouvait pas être satisfait). Oh, peut être un peu bourge, le bon Dr Crinière d’Argent, avec sa décapotable rouge et sa chevalière et sa femme au foyer (par ordre d’importance), mais bon, après avoir connu certains énergumènes de remplacés, ça allait.
Dr Crinière d’Argent : « Tiens, pendant que je te tiens, tu pourras me remplacer en décembre dans un an et demi, là ? J’ai un truc super important. »
« Heu, ben, c’est quand même dans un an et dem… »
« Ouais, attends, je te coupe, tu sais ce qui m’est arrivé l’autre jour, là, vous n’allez pas en croire vos oreilles, les jeunes ! Non mais là, franchement, c’est encore pire que le dernier coup que m’a fait ce putain d’URSSAF que je leur ai dit que la prochaine fois, ben, moi, je dévisse ma plaque !! Ben alors ! Attends, les mecs, ils te disent que les génériques c’est pareil, mais attends, c’est pas pareil, c’est sûr, Bon Dieu ! (Pardon, Mon Seigneur, j’ai juré) »
« Regarde moi ça !! Les comprimés, c’est pas les mêmes !! Comment veux-tu que dedans ça soit pareil si dehors c’est pas pareil ?? Putain, ils nous prennent pour des cons !! Bon, qu’est ce que je disais déjà ? »
« Vous disiez pour décembr… »
« Ouais, attends, je te coupe, ouais, et je vous ai dit pour l’URSSAF, là ? Ah, je les ai mis minables ! HaHaHaHa !! La nana de l’URSSAF, elle savait plus où se foutre ! HaHaHaHa !! »
Et me voilà à rire de bon cœur à la 150ème fois où il me raconte la même histoire et en roulant des yeux de dindons pour lui faire croire que je n’en connaissais pas le fin mot.
Dr Crinière d’Argent : « Ah, je t’aime bien, c’est vrai, y en a pas beaucoup comme toi, des remplaçants. C’est pas pour dire, mais bon, y a quand même des gros nullos, hein, on est d’accord ? C’est vrai, toi, tu es sérieux, les gens sont contents, ça se passe bien, on a jamais de problème avec toi. Ça se passe nickel, quoi ! »
Après une telle lèche, j’ai eu une envie soudaine de m’enduire le corps de lotion de massage aux huiles essentielles de pépins de gland et phéromones de zébu (18€ DTC les 5mL chez tous nos pharmaciens partenaires).
Et là, je me suis dit que c’était le bon moment.
« Ah bien justement, puisque vous en parlez, je me disais que vous prendrez surement bientôt votre retraite et que peut être on pourrait voir pour vous succéder. J’ai pensé que ça serait une bonne opportunité pour vous et pour moi, non ? »
Dr Crinière d’Argent : « Ah là là, les jeunes ! NON MAIS ALLO QUOI ! Mais pourquoi tu veux t’installer ? Vous êtes des nababs en faisant les remplacements, les jeunes ! Vous n’avez aucune charge ! Vous savez, avec tout ce qu’on paye, vous gagnez largement plus que nous en bossant moins, alors je ne vois pas pourquoi vous allez vous emmerdez à vous installer !!! HaHaHaHa !! Les jeunes ! Ils sont au courant de rien !!! »
Moi : « Non, vous savez, j’ai fait mes petits calculs, depuis le temps que je fais des remplacements, maintenant, le coup du « les remplaçants gagnent autant que nous », j’ai bien compris que c’était pas tout à fait vrai. Alors, c’est quoi votre date de retraite en fait ? Votre associé m’a dit que c’était dans un an, c’est ça ? »
Dr Crinière d’Argent, glacial : « Non, mais t’es sérieux, en fait. Tu veux vraiment t’installer. »
D’un coup, la conversation fut stoppée par un grand bruit sourd de craquement, un peu inquiétant quand on se trouve à cette altitude.
J’ai eu l’impression que le bruit venait du bide du Dr Crinière d’Argent, comme si quelque chose s’était bloqué.
Mais en fait, non, ça n’avait pas l’air de venir de là.
Une sirène d’urgence se mit à retentir, nous strillant les tympans.
Les masques à oxygène tombèrent du plafond.
(Mettez les masques, bandes de cons, c’est pas Surprise Surprise).
Je saisis mon masque à oxygène pour sauver ma peau.
Et puis après tout est allé très vite.
L’appareil s’est scié en deux comme les candidats de Motus aux blagues de Thierry Beccaro.
J’ai eu un gros trou noir et je me suis réveillé sur une plage au milieu des débris fumants de l’avion, une odeur de phacochère grillé m’emplissant les narines.
J’ai vu de loin le Dr Crinière d’Argent se relever péniblement.
J’ai essayé de sauver avec Marisol une femme enceinte qui avait perdu les eaux pendant le crash.
Quand le calme est retombé sur la plage, nous nous sommes enfin rendu compte de l’importance de la catastrophe que nous venions de vivre.
J’avais du mal à contenir mon émotion quand une main est venue taper sur mon épaule.
Dr Crinière d’Argent : « Bon, maintenant, puisque tu veux t’installer, on va voir si t’en es capable et qui c’est le chef ! »
Bientôt, la Suite.